Tobiasse

Cet ancien beffroi accolé à la rue des Ardissons, nom d'une des familles fondatrices du Cannet venue s'installer dès 1477, marque l'entrée dans ce quartier. La date de construction de cet ancien clocher (ou "Campanile") du Cannet reste inconnue, mais daterait du XVIIe. Rachetée à la Révolution, elle est ensuite donnée à l'Eglise, à condition qu'y soit célébrée la messe, dite deux fois par an. Après la séparation de l'Eglise et de l'Etat, la chapelle est attribuée au bureau de bienfaisance du Cannet.

Elle a aujourd'hui perdu son aspect primitif. Sa cloche sonnait à tout événement important : le tocsin annonçait les incendies, les appels aux armes, l'approche d'un danger commun.

Sauvée d'une ruine probable, cette chapelle a été restaurée en 1989. Restait à lui trouver une destination digne de son passé historique et en osmose avec sa vocation spirituelle. Ce fut ainsi la préoccupation de Tobiasse, artiste contemporain de renommée mondiale, qui a ouvert ce lieu à l'œcuménisme et choisit pour thème : « la vie est une fête » pour illustrer ce renouveau.

Dans l'authenticité de son geste créateur, Théo Tobiasse raconte avec vivacité et poésie une histoire universelle, pensée pour redonner à ce lieu une atmosphère propice au recueillement. Il traduit ici la vie, la fête en fusion, la nostalgie profonde, la spiritualité de l'âme. La couleur entremêlée structure cette composition monumentale. Elle se réfère aux tons chauds de la terre et au bleu infini du ciel. Le trait triomphal et anxieux établit et sculpte des lignes de force où le plein et la brisure s'accouplent.


La calligraphie évoque l'univers de l'artiste. Elle est utilisée comme une image poétique, elle complète les formes et suscite les pensées. L'édifice se trouve magnifié par une mosaïque qui en souligne l'entrée. À l'intérieur, la lumière filtrée par les vitraux invite à la contemplation. L'attention se concentre sur le chœur qui rayonne à partir d'une colombe, symbole de la paix. L'axe principal est souligné par un banc dont les accoudoirs inversés renvoient aux panneaux latéraux droit et gauche.

La fresque se lit de droite à gauche. Le panneau de droite exprime la joie, le chœur est imprégné de spiritualité et le panneau de gauche traduit la nostalgie. L'emploi des couleurs allant du rouge orangé au bleu en passant par le blanc, définit les dimensions matérielles et temporelles et la quête de la spiritualité.

Sur le panneau de droite, au centre, deux mains monumentales symbolisent la méditation. Autour d'elles, s'organise un monde protégé où la vie est racontée par la famille groupée, serrée et unie. Une coupe, image de la destinée humaine, s'élève en signe d'amitié et de partage. La présence de femmes opulentes, aux corps généreux, est une allégorie à la nature qui prend les traits d'une bergère veillant sur une colombe blottie et un univers pastoral. Un village protégé et rassurant se trouve sur le chemin de la famille, situé à l'intérieur d'une niche rayonnante évoquant le ciel et la terre. Une femme quémande en direction de la méditation. Une cruche remplie et couverte de fruits est placée en signe d'offrande pour obtenir l'abondance et la fécondité. Un couple danse. La femme dans son étreinte s'élève, leur communion exprime et appelle une sorte de fusion dans un même mouvement esthétique, émotif, érotique, religieux ou mystique. C'est comme un retour à l'Être Unique où l'harmonie du ciel et de la terre est trouvée. Un élément de transport, des instruments de musique, une végétation abondante rappellent le monde imaginaire et fantastique de Tobiasse.

Le chœur : foyer d'une intensité dynamique, il est le lieu de l'énergie la plus concentrée où les bleus sont saturés. Il rayonne de l'intérieur vers l'extérieur. Il contient les références du bonheur de vivre chères à Tobiasse : la colombe porteuse du rameau d'olivier et de la lumière est entourée de deux anges. En vol, elle porte le message de la paix et de la spiritualité en mouvement. Elle est placée au point de la plus grande intensité, sur une ligne de partage, au centre du chœur. Sa représentation appuyée et fragile, révèle le rôle de la paix sur quoi tout repose et dont tout dépend. Un homme à gauche, une femme à droite volant l'un vers l'autre sont tournés vers le centre du chœur ; sous l'oiseau, les vagues représentent le déluge qui purifie et régénère. Un instrument de musique évoque des modulations, supposant une harmonie de l'âme et du corps. Les rayons se projettent et vont éclairer deux pôles spirituels : Jérusalem - à droite - et Saint-Paul de Vence - à gauche. Les brisures dessinent une verticalité au chœur qui peut-être considérée comme un lieu de passage, la voie entre les niveaux infernaux, terrestre et céleste du monde.

Le panneau de gauche : son centre décalé est un rayonnement de lumière. Il répond à la méditation du panneau opposé. La nostalgie est ici partout présente. Après le déploiement, c'est le repli, le départ et le retour sur soi. La colombe du chœur poursuit sa route et on la retrouve, petit "oiseau de lumière" dans les rayons projetés qui éclairent une famille en partance. Son parcours est poussiéreux comme le sable du désert. La roue d'un véhicule rappelle l'exil vécu par Tobiasse et se rapporte au monde en devenir, à la création continue et donc au périssable. Les personnages se dirigent vers une femme accueillante aux bras levés. Elle semble les guider vers une transcendance et les attire vers le haut. Dans une fenêtre au dessus de sa main, on reconnaît Bethsabée, épouse de David et mère de Salomon. On retrouve ensuite des personnages d'une fête qui se termine. L'étreinte d'un couple blotti qui finit sa danse ; une femme portant nonchalamment la lumière : elle se désaltère, encore une fois, dans un environnement de paniers de fruits, de fleurs et de feuillages. Une famille accompagnée d'un cheval ailé figure l'impétuosité des désirs et la fécondité. Enfants du ciel et de la terre, les hommes fêtent la vie en la rythmant d'acquis, d'expériences et de réflexions.